Déjà, le précipice de mes errances, une faille dans l'espace-temps que je ne contrôle pas, cette fraction de secondes où je perds pied, où tout s'effondre.
Déjà, les souvenirs constants, lumineux, m'hantent tel un manoir sombre et désert traversé de frissons, obscurcissent mon regard - la paupière qui tressaute, c'est la réminiscence d'une odeur ou d'une lumière particulière, c'est le souvenir lointain d'une parole prononcée il y a des millions d'années, et qui ne reviendra plus, c'est le souvenir cruel de sourires de gens qui sont partis et ne reviendront plus.
Dans le labyrinthe de mes souvenirs, mes pieds déchiquetés, je cherche la mer, cette poésie suprême qui sait rester constante par tous les temps, c'est cette recherche implacable et intransigeante de la beauté, de la vérité, de l'éternité, de l'intensité, qui me porte, me transporte dans ce monde déserté et éteint.
Dans la solitude de nos corps tu étreins une ombre, mon amour passé, dans l'obscurité déchirée par nos souffles tu brises mes digues, que vogue la galère, où donc cacher ma volupté ? Ouvrez les fenêtres, libérez les oiseaux, qu'il disait, et je soupirais d'aise, déjà.
Nous n'avons su réparer, préparer, les ravages du temps, amants perdus du désespoir, et sur la grève à perte de vue - c'était encore l'aube grise, tout n'était que brouillard glacé - sur les ruines d'un monde à peine construit, à l'orée de cette nouveauté folle : un jour nouveau, tu saisissais ma main dans un élan de joie, et nos pas sur le sable, déjà, n'étaient plus que le reflet d'une joie passée, éphémère, disparue à jamais.
le tragique de l'instant, la fatalité de la vie.
(06 novembre 2011 : ma vie d'avant)
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