mardi 22 février 2011

Averse, 04 novembre 2009.

Il y avait un grand soleil, je voulais voir un peu les enfants parmi les feuilles mortes en brasier, je suis sortie pour capturer quelques instants, les dérober au bleu du ciel éclatant. Quand je suis arrivée au marché aux livres et que je me suis arrêtée pour frôler les couvertures, il y avait quelques nuages gris, moqueurs. Cinq minutes après, il pleuvait à torrents, et je dus me réfugier sous un porche aux volets violets, et cette musique ! Et cette lumière !
Cinq minutes plus tard, le ciel bleu comme un ciel d'été, si bleu si fier – fier d'avoir vaincu l'averse- et au bout de la rue, l'église Saint-Mélaine qui se dresse toute éclairée, sur fond de nuages sombres, menaçants, violets, pleins de cet orage prometteur, ces nuages pour rehausser la beauté incroyable de la petite église, beauté éphèmère que je suis la seule à percevoir – comme toujours, hélas.
Je marche dans le canniveau-rivière, la pluie sur les vieux pavés, un charmant spectacle. Derrière l'église, le parc du Thabor, je discerne le kiosk à musique, l'orangerie, la roseraie, la volière, la promesse de gâteaux à la framboise à des enfants que j'ignore. Je retrouve les feuilles brûlées vives, accumulées dans les allées, sur les bords des chemins, mais trop humides pour s'y rouler. Les nuages noirs sont partis embellir l'horizon. Sur la vaste pelouse esseulée, une mouette rieuse, perdue loin des côtes, et les cris de ses congénères tout autour du clocher. Le soleil est splendide, au parc il n'y a que des passagers, des en-transit. Seule, une vieille femme prend le soleil sur une petite chaise.
Les petites chaises si vides, alignées le long du mur, abandonnées, il n'y a pas d'enfants sauvages, mais le soleil est au rendez-vous, et les petites gouttes qui me tombent par intermittence sur l'épaule.
Les petites chaises, et derrière, la grande baie vitrée bordée de rouge, avec ses lourdes persiennes, dedans des plantes, petite serre soumise à la faveur du soleil.
Sous la loi de ton regard gémit ton ciel bleu. La mer s'est éteinte il y a de cela quelques années, elle a déserté les plages grises ; il ne reste plus qu'un peu d'écume, blanche, humide, comme si la mer n'avait pas vraiment disparu. Qui remue nos angoisses à présent ; Qui donne à l'odeur de bruyère son cachet iodé ? Qui nous pousse au bord du désespoir, qui nous attire au sommet de la falaise pour humer le vent, qui nous attend pour nous happer dans ses filets ?
Personne. Il n'y a plus rien. C'est un désert infini jusqu'à Manhattan.