Je ne l'avouerai jamais, mais j'ai peur des corps empêtrés, qui s'engluent dans la boue de la médiocrité, qui s'enferment dqns l'ennui des beaux jours. Ces corps-là, qui ne sont qu'attente. Tout le temps. Une attente indéfinie. Ils sont tendus, immobiles, silencieux. De ce silence religieux qui fait l'attente. Ils sont bruyants, empressés, actifs. Ce mouvement pour masquer l'attente. Ils ne font qu'attendre les repas, ou la nuit (le sommeil de la nuit). Aux repas, ils mangent, ils ont toujours quelque chose dans la bouche, il faut manger, vivre pour manger la belle affaire! Et si, parfois, ils veulent parler (soit, ouvrir la bouche dans un autre but que d'y enfourner un aliment); la technique est de mettre de côté la nourriture, dans un coin de la bouche. Cette obsession du "manger" me semble comme une envie, un besoin frénétique de combler le vide senti inconsciemment à l'intérieur. Combler, remplir, anéantir ce vide opulent. Le repas est sacré.
Et l'attente du sommeil, du doux sommeil. L'oubli dans lequel les plonge le sommeil, quelques délicieuses heures d'oubli. L'oubli de ce corps trop lourd à traîner, l'oubli de l'âme cachée à l'intérieur, barricadée, effacée, l'oubli de la peur froide et glauque, l'oubli des gouffres creusés par chacun des pas, tant d'oublis concentrés dans le sommeil. Les corps apprécient ce maigre repos, ce répit que leur offre l'obscurité de la nuit. Et entre les deux, entre les repas et le sommeil, entre ces deux attentes, vivantes et mornes, et même pendant, ils attendent la mort. Celle-là même qui viendra les délivrer comme promis de ce fardeau que les corps appellent "vie". Les corps sont en prière lors de cette attente. Une attente constante, omniprésente, même pendant les repas, même dans le sommeil. La mort-seule les rend entier, les rend eux-mêmes, les délivre de ce corps, une entrave. La mort-seule est un véritable repos, éternel, mais on ne sent pas les années passer. La mort est merveilleuse car il n'y a plus de corps: ils ont pourri.
lundi 1 octobre 2007
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