vendredi 16 novembre 2007

Merci,


C'était une sensation très agréable. J'avais l'impression de tomber évanouie au ralenti. Mes tempes étaient engourdies, je ne sentais pas le poids de ma tête sur ma main, quand je bougeais les pieds, c'est comme si ce n'était pas les miens. Mon corps m'était étranger, j'avais réussi à m'en détacher, je ne sais pas si cette musique y a joué pour quelque chose. Je me suis imaginé TOI, je sentais presque ton souffle dans mon cou, tes bras m'enlaçant, c'est fou, j'étais bien.

mardi 6 novembre 2007

Antonin Artaud

C'est fou, mais ce mec, c'est moi. C'est fou comme je ressens trop les trucs qu'il écrit. C'est fou.

Chiens, avez-vous fini de rouler vos galets sur mon âme. Moi. Moi. Tournez la page des gravats. Moi aussi j'espère le gravier céleste et la plage qui n'a plus de bords. Il faut que ce feu commence à moi. Ce feu et ces langues, et les cavernes de ma gestation. Que les blocs de glace reviennent s'échouer sous mes dents, J'ai le crâne épais, mais l'âme lisse, un coeur de matière échouée. J'ai absence de météores, absence de soufflets enflammés. Je cherche dans mon gosier des noms, et comme le cil vibratile des choses. L'odeur du néant, un relent d'absurde, le fumier de la mort entière... L'humour léger et raréfié. Moi aussi je n'attends que le vent. Qu'il s'appelle amour ou misère, il ne pourra guère m'échouer que sur une plage d'ossements.

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Je n'ai visé qu'à l'horlogerie de l'âme, je n'ai transcrit que la douleur d'un ajustement avorté.
Je suis un abîme complet. Ceux qui me croyaient capable d'une douleur entière, d'une belle douleur, d'angoisses remplies et charnues, d'angoisses qui sont un mélange d'objets, une trituration effervescente de forces et non un point suspendu
-avec pourtant des impulsions mouvementées, déracinantes, qui viennent de la confrontation de mes forces avec ces abîmes d'absolu offert,
(de la confrontation de forces au volume puissant)
et il n'y a plus que les abîmes volumineux, l'arrêt, le froid, -
ceux donc qui m'ont attribué plus de vie, qui m'ont pensé à un degré moindre de la chute du soi, qui m'ont cru plongé dans un bruit torturé, dans une noirceur violente avec laquelle je me battais,
-sont perdus dans les ténèbres de l'homme.

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Qui, au sein de certaines angoisses, au fond de quelques rêves n'a connu la mort comme une sensation brisante et merveilleuse avec quoi rien ne se peut confondre dans l'ordre de l'esprit? Il faut avoir connu cette aspirante montée de l'angoisse dont les ondes arrivent sur vous et vous gonflent comme mues par un insupportable soufflet. L'angoisse qui se rapproche et s'éloigne chaque fois plus grosse, chaque fois plus lourde et plus gorgée. C'est le corps lui-même parvenu à la limite de sa distension et de ses forces et qui doit quand même aller plus loin. C'est une sorte de ventouse posée sur l'âme, dont l'âcreté court comme un vitriol jusqu'aux bornes dernières du sensible. Et l'âme ne possède même pas la ressource de se briser. Car cette distension elle-même est fausse. La mort ne se satisfait pas à si bon compte. Cette distension dans l'ordre physique est comme l'image renversée d'un rétrécissement qui doit occuper l'esprit sur toute l'étendue du corps vivant.
Ce souffle qui se suspend est le dernier, vraiment le dernier. Il est temps de faire ses comptes. La minute tant crainte, tant redoutée, tant rêvée est là. Et c'est vrai que l'on va mourir. On épie et on mesure son souffle. Et le temps immense déferle tout entier à sa limite dans une résolution où il peut manquer de se dissoudre sans traces (...)
Peu importe. -La peur qui s'abat sur toi t'écartèle à la mesure même de l'impossible, car tu sais bien que tu dois passer de cet autre côté pour lequel rien en toi n'est prêt, pas même ce corps, et surtout ce corps que tu laisseras sans en oublier ni la matière, ni l'épaisseur, ni l'impossible asphyxie. (...)
Et c'est bien cela, et c'est à jamais cela. Au sentiment de cette désolation et de malaise innomable, quel cri, digne de l'aboiement d'un chien dans un rêve, te soulève la peau, te retourne la gorge, dans l'égarement d'une noyade insensée. Non, ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai.
Mais le pire, c'est que c'est vrai. Et en même temps que ce sentiment de véracité désespérante où il te semble que tu vas mourir à nouveau, que tu vas mourir pour la seconde fois (Tu te le dis, tu le prononces que tu vas mourir. Tu vas mourir: Je vais mourir pour la seconde fois.), voici que l'on ne sait quelle humidité d'une eau de fer ou de pierre ou de vent te rafraîchit incroyablement et te soulage la pensée, et toi-même tu coules, tu te fais en coulant à ta mort, à ton nouvel état de mort. Cette eau qui coule, c'est la mort, et du moment que tu te contemples avec paix, que tu enregistres tes sensations nouvelles, c'est que la grande identification commence. Tu étais mort et voici que de nouveau tu te retrouves vivant, -SEULEMENT CETTE FOIS TU ES SEUL.


Je pourrais recopier tout le bouquin que ça ne suffirait pas à manifester ma stupeur, mon éblouissement.
Une question qui me revient sans cesse, livide, combien a-t-on de vies, combien a-t-on de morts...